Ah l’automne… Comment aborder cette saison ? La plupart des lieux où je peux exercer ma passion est soit occupée par des chasseurs, soit interdite à la pêche de nuit, soit les crues soudaines compliquent les choses. C’est pourquoi cette année j’ai décidé de ne rien prévoir à l’avance et de profiter des opportunités qui me seront offertes.
Mon beau-père m’a relaté une anecdote sur un ancien bras de canal qui est aujourd’hui clos. Un jour, il pêchait le gardon à l’asticot accompagné de quelques boules d’amorces. Une touche, puis deux, trois. Les gardons étaient décidés à mordre pour son plus grand bonheur. Puis vint une touche étrange. Le ferrage qui s’en suit, encore plus d’ailleurs, puisqu’il crût d’abord être accroché. Finalement, en tirant doucement, il parvint à faire monter à la surface une carpe apparemment assez jolie. Bien évidemment, avec un hameçon de 22 et un bas de ligne d’une résistance de 400g, je vous laisse imaginer la suite de l’histoire. Et bien voilà, il ne m’en fallait pas tant pour aiguiser ma curiosité! Le rendez-vous était donc pris.
L’excitation est toujours à son paroxysme quand on sait que l’on va pêcher une nouvelle eau. Arrivé sur place, je suis déjà conquis par le lieu. Le cadre est sauvage et les couleurs automnales lui donnent encore plus de magie. Un sondage rapide me donne les informations suivantes : le chenal est vaseux et de nombreux herbiers y sont développés. Quelques endroits en bordures sont caillouteux. Ce sera donc une pêche de bordure. Pour ce faire, j’utiliserai un hameçon Krank taille 4 monté sur ma fidèle n-trap 30 lbs. Un simple nœud sans nœud lui convient parfaitement. Il sera esché de 2 wafter salty squid en qui ma confiance ne fait que de grandir au vue des résultats qu’elle m’apporte. J’ai fait le choix de passer ma tête de ligne en fluoro carbone IQ2 20 lbs car l’eau me semble claire malgré l’impression sombre que donne l’ensemble. De plus, de nombreux pêcheurs de carnassier viennent taquiner le brochet et doivent forcément éveiller la crainte de dame carpe.
Pour pousser la logique de discrétion, je rajoute sur le fluoro environ 70 cm de gaine dark matter en colorie weed green car il s’avère que cette couleur passe incognito sur le fond du petit canal. Bien évidement, mon corps de ligne est comme pour la plus part de mes pêches, en tresse. La sensation est incomparable au nylon. Plaçant souvent mes montages près d’herbier ou autre bois mort, la tresse est de ce faite l’arme redoutable pour mettre au sec les carpes. Un clip plomb ainsi qu’un plomb square pear de 99g dans les mêmes tons, me semblent être adaptés pour la pêche à courte distance. La qualité de la piqûre est toujours parfaite due à sa forme carrée. Un émerillon, un anti-tangle et un mini kwik link pour parfaire le montage. Pendant ce temps, je n’ai cessé de tendre l’oreille pour capter un saut trahissant la présence d’une carpe.
Malheureusement le calme est omniprésent. La douceur de la météo est relativement agréable pour la saison et me convient parfaitement. Mais ma crainte que les poissons en soient déboussolés est grande. Je me demande si leur phase d’alimentation n’en est pas rendue aléatoire. Ayant déjà réfléchi à mon approche pour l’amorçage, je prépare une jolie mixture de chènevis, de pellet, de maïs doux, d’asticots, ainsi que de bouillettes krucher et entières salty squid. J’ajoute à cela du sirup bloodworme et du goo spicy squid. J’ai préalablement préparé quelques sticks qui m’assureront la bonne présentation de mon hameçon qui sans lesquels il pourrait attraper les feuilles omniprésentes lors de la dépose du montage.
La nuit tombe très vite à cette époque de l’année et il me faut me précipiter pour poser mes montages le plus proprement possible. Une fois tout en place, mon beau père et moi en profitons pour boire un café et discuter pêche bien évidement ! Le temps est passé vite grâce à sa compagnie et l’heure est venue de me mettre au chaud dans mon duvet. Je me couche très sceptique… Je n’ai remarqué encore aucune activité !
Le sommeil finit par me prendre, malheureusement jusqu’au petit matin. Je dors dans la caisse de mon utilitaire quand je pars en pêche rapide, ce qui me permet d’avoir confort et rapidité de mise en place forts appréciables. N’ayant pas de vitres à l’arrière, je suis dans le noir complet mais ma vessie m’indique généralement quand il est aux environs de 6h30. Je sors de mon duvet la mine basse de n’avoir toujours pas eu le moindre bip. J’inspecte rapidement mes stows et soulage un besoin physiologique. Et finalement vous me croirez si vous voulez c’est à cet instant précis que l’une de mes cannes s’est emballée ! Je presse alors dame nature et attrape aussi rapidement que je peux la canne cintrée. Et OUI enfin c’est pendu ! S’en suit un combat honorable d’une commune bien ventrue.
A ce moment là, j’ai l’impression d’être bipolaire car 5 minutes auparavant je faisais la mine des mauvais jours et là je sauterais de joie à la vue de ce magnifique poisson vierge de toute piqure. Ma femme ayant dormi chez ses parents à deux pas de là, me rejoint afin d’immortaliser ce moment. Même si je n’ai fait qu’un petit poisson j’étais ravi et profitais pleinement de la joie qu’il m’apportait. Lors de la séance photo, un promeneur s’arrêta près de nous et attendit jusqu’à la remise à l’eau. Chose faite, il était temps de plier et c’est là que l’homme est venu nous saluer.
Une grande et intéressante discussion commença. Il m’expliqua qu’un pêcheur au carnassier, las de ne rien attraper avec son vif, eu alors la drôle d’idée de le remplacer par un morceau de pain. A sa grande surprise, il sorti difficilement une carpe d’environ 15kg. Je dis difficilement car le malheureux ne s’attendait quand même pas à ça ! Faut croire que quand nos chères carpes sont en frénésie alimentaire, un bout de pain accroché à un triple fait très bien l’affaire ! Bon pour le côté no kill en toute sécurité pour le poisson on repassera… Bref, le plus gros poisson jamais sorti de ce bief m’a-t’il affirmé ! Vue la beauté de la petite commune, il ne m’en fallait pas moins pour me décider de venir de nouveau tenter ma chance. Quelques jours plus tard, j’arrive à me libérer une nuit pour me confronter de nouveaux à ce lieu mystérieux…
Je décide de garder la même stratégie et je pousse le vice de la discrétion en pêchant en slackline. La tresse, une fois de plus est idéale, car elle permet la détection précise du moindre poisson qui tape dans les fils, même avec cette technique. Mon organisation est optimale car la nuit précédente était d’un noir profond et quand on sort en plein milieu de la nuit pour un départ mieux vaut être bien préparé. Mon épuisette posée sur le sac de conservation lui-même posé sur le tapis de réception. Le tout est généreusement mouillé et un seau rempli d’eau à côté. Je fais attention également au chemin menant aux cannes pour que rien ne gène une éventuelle course folle ! Mon beau-père est de nouveau présent pour me tenir compagnie et m’aide à passer les longues heures du début de soirée déjà sombres en cette saison. Après une fidèle boisson chaude, me revoilà allongé sur mon bed chair et toujours aussi perplexe car l’eau reste désespérément calme. La nuit est douce et je dors paisiblement. Finalement, à 1h du matin la délivrance me sort de mon sommeil. Je pense que mon patron rêverait de me voir aller au boulot avec autant de vitesse et de détermination ! Le temps d’arriver sur la canne, le poisson est déjà tanqué dans ce qui semble être des branches. J’exerce une légère pression et attend… Je suis surpris mais 30 seconde après, la carpe quitte sa forteresse sous marine ! Je n’allume pas ma frontale dans un premier temps car pour ne pas effrayer les possibles copines de la combattante qui se déplace lentement et tout en puissance. Au bout d’environ 5 minutes, j’arrive avec un peu d’autorité à ramener la carpe en bordure et j’allume enfin ma frontale. Je me prends alors un rush de folie pendant un temps qui me semble être une éternité ! C’est une véritable gère des nerfs qui s’est installé et je commence à avoir peur de perde la partie. Sur ma gauche, la furieuse profite une nouvelle fois des broussailles immergées. Décidément, cette carpe est vraiment puissante mais heureusement pour moi elle me laisse tout de même la guider dans mon épuisette. Je me penche pour entrevoir mon butin. Je découvre alors un poisson massif. Serait-ce donc la fameuse doyenne ? Ni une ni deux, je m’empresse de la déposer dans le sac qui est sur le tapis. Ma curiosité est trop forte je décide de ne pas attendre et de la peser. Je lis 16,2 kg.
De nouveau, me voici comblé de bonheur ! Quelle joie d’avoir capturé ce vieux poisson sauvage qui doit être le graal de cette eau vu à ce jour. Elle reposa toute la nuit et le lendemain matin, c’est mon beau père cette fois-ci qui sera embauché pour faire le photographe. Je suis très reconnaissant aux deux protagonistes de cette histoire d’avoir partagé avec moi leurs anecdotes qui m’ont permis de capturer ces deux jolis poissons. Même si je n’ai pas fait de « bœuf », je suis réellement heureux car ma vision de la pêche est avant tout le partage et la capture de poissons sauvages qui vivent librement dans nos eaux publique.
texte et crédit photos: Benoit BOISSEAU
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