Depuis une vingtaine d’années, la pêche, et aujourd’hui plus particulièrement la pêche à la carpe, est devenue pour moi bien plus qu’une simple passion. C’est devenu une véritable obsession. Plus une semaine sans passer des coups de fils à droite ou à gauche pour essayer de dénicher les bonnes « infos » Plus un week end sans pêche … Plus un jour sans penser « carpe ».Qui suis-je réellement. Pêcheur ou homme ? Pourquoi cette passion m’a-t-elle envahit à ce point ?

Vous vous êtes peut être déjà poser cette question : pourquoi est ce que j’aime cette pêche ? Pourquoi passer tant de temps, parcourir autant de kilomètres, sacrifier tant d’argent et d’énergie dans le seul but de capturer, puis de relâcher un poisson dans l’eau. Bien des personnes ne nous comprennent et ne nous comprendront jamais ! Combien de fois ai-je entendu au bord de l’eau : « Mais vous ne les mangez pas, alors à quoi ça sert ? ». Oui à quoi ça sert ? « C’est pour le plaisir » leur répondais-je ! Fallait-il être si maso que cela pour ne pas manger ses poissons, acte quoi de plus normal pour un « pêcheur » …Pourquoi cette pêche continue t-elle à me passionner autant ? Est-ce le contact avec la nature, la passion de la photographie, le plaisir de la capture ou une toute autre raison obscure qui me fait continuer à lancer mes lignes ? Ou bien un mélange de tout cela à la fois ?Pourrais-je vraiment comprendre un jour pourquoi ce poisson m’obsède autant ? Suis-je un être normal ou est-ce les autres qui, sans le vouloir, passent à côté de toutes ces choses merveilleuses ?Toujours est-il que la pêche fait partie intégrante de ma vie et ce n’est pas près de s’arrêter … Choisie ou pas, je dois assumer cette passion qui me ronge comme une drogue…

Mais revenons-en à nos moutons, ou plutôt à nos carpes ! Quels arguments avancer pour promouvoir la pêche ? Le cadre d’abord. Quoi de plus étonnant et surprenant que le spectacle immuable de la nature : à la pêche, ne sommes-nous pas aux premières loges pour contempler ces petites choses qui forgent ces instants de bonheur : un rouge gorge posé sur ma canne et qui lui sert de perchoir, un éternel coucher de soleil sur l’horizon brûlant, un saut de carpe tout prêt d’un banc de nénuphars ?

Et puis il y a la pêche. La base. Comme un instinct sortit de nulle part.D’abord la prospection. Anticiper, deviner, sonder, atteindre … Les carpes ne sont pas loin, je le sens, et déjà, l’adrénaline monte … Les appâts mûrement préparés, amorcés et les cannes lancées, un doute subsiste : et si le poste n’était pas si bon que cela ? Si les poissons décidaient subitement, poussés par on ne sait quel instinct, de quitter la zone ? Mes montages sont-ils encore pêchant ? Le poste en face de moi n’était-il pas meilleur ? Toujours cette impression que « là bas », c’est mieux.

Enfin, c’est le « départ ». Qu’il soit quasi instantané ou longuement attendu, sa soudaineté et sa violence est toujours un moment unique. Comme si le temps s’arrêtait. Il n’y plus qu’une seule chose qui compte désormais, se saisir de la canne, le plus vite possible, pour ne pas que la carpe s’enfonce trop loin dans la forêt d’herbiers …

Après le contact, le combat ensuite. Calme, indécis, puis brutal et appuyé … Et toujours cette incertitude … Est-ce une commune, une grosse qui passe le mètre, ou une miroir grasse et ventrue ? Et si c’était plutôt une fully scaled ? Le combat s’éternise au bord, impossible de décoller le poisson du fond pour voir ce que c’est … Je suis partagé entre le désir de connaître la morphologie, la corpulence de ce poisson qui m’a tant fait rêver et la peur de le perdre, en cassant la ligne ou pire, en le décrochant, bêtement, au ras de l’épuisette …Le grand poisson se fatigue enfin … Les bras commencent à se raidir, et l’impatience mêlée à l’excitation me pousse à la brider un peu plus fort et à resserrer un peu le frein. La carpe passe au dessus de l’épuisette, une fois, deux fois. Dernier rush. Dernier mouvement de défense. Ca y est ! Je lève mon filet et l’emmaillote rapidement. vCoup de frontale … C’est une jolie miroir ! Elle est splendide ! La pesée est fébrile tant le poisson est lourd … L’aiguille du peson tremble, puis se stabilise enfin. Ca y est, c’est finit. La boucle est bouclée. Ces dizaines d’heures d’attente et de préparation se voient enfin récompensées. Le poisson gît, là sur le tapis. Désormais, je connais tout de lui. La disposition de ses écailles, son poids, sa taille, ses heures de repas, ses lieux de prédilections et … ses friandises préférées … Demain matin, à l’aube, je la sortirai de son filet et je lui volerait quelques images. Puis, je la laisserais s’échapper de mes mains, dans l’espoir de la revoir un jour peut être …

Si je n’ai pas réussi à comprendre et à expliquer les raisons exactes ce qui me faisait aimer cette pêche, cette succession de moments courts et simples, c’est peut-être que cette passion est inexplicable. Il faut y être. Il faut « l’avoir fait » pour comprendre. Dois-je trahir ma pensée ou sont-ce des raisons venues de mon inconscient ? Finalement, il y a probablement autant de raisons d’aimer la pêche que de pêcheurs sur cette Terre. Avec, comme seul point commun, la communion avec l’onde et ses mystères …

texte et crédit photos: Julien HERAUT

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